RTC : la fin d’un réseau historique et l’entrée dans l’ère 100 % IP
Le réseau téléphonique commuté (RTC) disparaît progressivement au profit des technologies IP. Entre dates officielles, impacts sur les entreprises, fin des lignes analogiques et migration vers la VoIP, voici l’analyse complète pour comprendre et anticiper cette transition majeure.
Pendant plus de quarante ans, le réseau téléphonique commuté, plus connu sous le nom de RTC, a constitué l’un des piliers de la communication en France. Il a accompagné l’essor des entreprises, structuré les usages téléphoniques et assuré une continuité remarquable, même dans les environnements les plus exigeants. Pour beaucoup, ce réseau semblait indéboulonnable en raison de sa simplicité et de sa fiabilité, lui conférant une aura quasi intemporelle.
La retraite du RTC est toutefois enclenchée depuis la fin des années 2010 : arrêt des ouvertures de lignes dès 2018, fin du Numéris en 2019, premières coupures techniques en 2023. À partir de 2025, le mouvement devient irréversible. le RTC s’éteint, entraînant la disparition des lignes analogiques et RNIS jusqu’à l’extinction complète du cuivre annoncée pour 2030. Cette réalité ne constitue pas un simple changement d’infrastructure mais un basculement vers un modèle 100 % IP, plus souple, supervisable, résilient et aligné sur les usages numériques actuels.
Qu’est-ce que le RTC ?
Pour comprendre la fin du RTC, il faut d’abord définir clairement ce qu’il était. Le RTC, acronyme de Réseau Téléphonique Commuté, constitue le réseau historique de téléphonie fixe conçu pour transporter la voix via la méthode de commutation de circuits. A chaque appel, le réseau réserve un chemin dédié de bout en bout entre l’appelant et l’appelé, pendant toute la durée de la conversation.
Concrètement, sur une ligne analogique, décrocher le combiné “ferme la boucle” sur la paire de cuivre (la boucle locale). Le microphone convertit la voix en signal électrique analogique qui voyage jusqu’au central. Ensuite, une chaîne de commutateurs établit et maintient ce circuit réservé, garantissant une continuité très stable. En effet, tant que le circuit existe, la voix passe, sans partage de bande passante avec d’autres usages.
C’est précisément ce modèle, à savoir un circuit physique/logique par appel, adossé au cuivre et à des équipements de commutation dédiés, qui distingue le RTC des réseaux IP modernes, où la voix est numérisée et transportée sous forme de paquets, comme n’importe quel flux data.
Ce modèle présentait deux particularités essentielles :
- Une fiabilité exceptionnelle car chaque circuit était réservé à l’appel en cours.
- Une dépendance totale au matériel puisqu’il fallait des équipements physiques pour établir et maintenir la connexion.
Car la simplicité apparente du RTC cachait en réalité une mécanique lourde, rigide, fondée sur des composants aujourd’hui obsolètes. Les commutateurs, tiroirs de ligne, cartes électroniques et infrastructures métalliques étaient adaptés à un monde où la voix constituait l’unique usage critique d’un réseau.
Aujourd’hui, c’est tout l’inverse puisque la voix n’est plus isolée. Elle cohabite avec la data, la vidéo, les applications métier, la collaboration unifiée etc. Dans ce contexte, un réseau conçu uniquement pour transporter de l’analogique n’a plus sa place.

Le RTC reposait également sur un support matériel bien particulier à savoir le cuivre. C’est lui qui permettait de transporter l’électricité générée par la vibration de la voix. Mais ce cuivre, déployé depuis les années 1970, a vieilli. Il s’est oxydé, détérioré, fragilisé. Le maintenir opérationnel exige désormais des interventions coûteuses, complexes et parfois impossibles à répéter à grande échelle.
En clair, le RTC n’est pas abandonné parce qu’il ne fonctionne plus, mais parce qu’il ne peut plus évoluer. Le monde numérique a dépassé ce que la technologie analogique était capable de fournir.
Pourquoi le RTC disparaît ?
Les trois causes de l’arrêt du réseau RTC
La disparition du RTC répond à une réalité technique, industrielle et économique qui s’est imposée progressivement. Pendant longtemps, le réseau cuivre a constitué une prouesse d’ingénierie, capable d’acheminer la voix sur des dizaines de kilomètres, tout en résistant aux aléas climatiques. Mais ce qui faisait sa force est aujourd’hui devenu son principal frein.
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La première cause de son arrêt est l’obsolescence du matériel. Les commutateurs qui servaient à établir les circuits d’appel ne sont plus fabriqués. Les cartes électroniques compatibles ne sortent plus d’usine depuis plus d’une décennie, et les pièces encore disponibles proviennent pour la plupart de stocks reconditionnés. Le réseau RTC est devenu un patrimoine technique impossible à renouveler, chaque panne imposant des opérations parfois complexes, parfois improvisées, souvent coûteuses.
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La deuxième cause de son arrêt est la dégradation du cuivre lui-même. En soixante ans, le réseau s’est densifié, subdivisé, étendu jusque dans les zones les plus isolées. Une grande partie de ces câbles n’a jamais été pensée pour supporter l’ère numérique. Ces derniers vieillissent, absorbent l’humidité, s’oxydent, se fragilisent. Chaque intervention sur la boucle locale exige des compétences spécifiques, mais aussi une disponibilité matérielle qui se raréfie. L’effort demandé pour maintenir ce réseau en service dépasse donc désormais les moyens raisonnables d’un opérateur national.
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La troisième cause de son arrêt, plus stratégique, est le changement d’usages. La téléphonie n’est plus un service isolé, coupé du système d’information. Les entreprises utilisent aujourd’hui des outils collaboratifs, des softphones, des applications métier, des solutions comme la téléphonie sur IP ou la VoIP intégrée dans leurs workflows. La voix elle-même n’est plus un signal analogique transporté sur une ligne dédiée; elle est devenue un flux numérique, qui circule au même titre que la vidéo, les données ou les outils cloud.
Une évolution du réseau
Ce glissement impose une cohérence que le RTC ne peut plus offrir. Le réseau cuivre ne sait pas transporter autre chose que de l’analogique. Il ne peut pas être supervisé, priorisé, redondé ou intégré à une architecture moderne. À l’inverse, un environnement 100 % IP permet d’unifier les communications, de garantir une meilleure qualité d’appel et d’assurer une véritable continuité d’activité.
La disparition du RTC s’explique enfin par une logique économique. En effet, maintenir deux réseaux, l’un analogique, l’autre numérique, n’a plus de sens. Les investissements se concentrent désormais sur la fibre, devenue le socle de toutes les infrastructures. Les offres professionnelles, qu’il s’agisse de FTTH Pro ou de fibre dédiée FTTO, répondent aux besoins actuels en termes de disponibilité, de latence et de capacités.
En somme, le RTC n’est pas abandonné parce qu’il dysfonctionne, mais parce qu’il appartient à une autre époque. La téléphonie moderne dépend d’un modèle où la voix peut être traitée, supervisée, sécurisée et intégrée. Un modèle où l’infrastructure n’est plus un frein mais un levier. La fermeture du RTC marque la fin d’un cycle, mais surtout l’entrée dans une logique où la communication devient une composante à part entière du réseau de l’entreprise.
Comment se déroule la fermeture du RTC ?
L’arrêt du RTC ne se fait pas d’un seul mouvement. Il s’organise selon un calendrier national précis, défini par l’opérateur historique et encadré par l’Arcep. Cette fermeture progressive suit deux logiques complémentaires, à savoir une fermeture commerciale, déjà en vigueur, et une fermeture technique, qui éteint physiquement les lignes par zones géographiques.
Calendrier complet de fermeture du RTC et du réseau cuivre
Le tableau ci-dessous récapitule l’ensemble des étapes de l’extinction du réseau téléphonique commuté et du cuivre, de 2018 à 2030 :
| Date | Phase | Événement | Détails |
|---|---|---|---|
| 15/11/2018 | Commerciale | Fin commercialisation lignes RTC analogiques (métropole) | Arrêt des nouvelles souscriptions pour particuliers et entreprises |
| 15/11/2019 | Commerciale | Fin commercialisation lignes Numéris/RNIS (métropole) | Arrêt des accès T0, T2 en métropole |
| 15/11/2020 | Commerciale | Fin commercialisation lignes RTC analogiques (DOM) | Extension de l’arrêt aux départements d’outre-mer |
| 15/10/2021 | Technique | Expérimentation (7 communes pilotes) | Test de fermeture sur 7 communes (2 départements) |
| 15/11/2021 | Commerciale | Fin commercialisation lignes Numéris (DOM) | Arrêt définitif des nouvelles lignes numériques outre-mer |
| 15/10/2023 | Technique | Lot 1 - Premières coupures techniques | 1 257 communes dans 7 départements : Charente-Maritime (238), Haute-Garonne (189), Haute-Loire (157), Morbihan (151), Nord (311), Seine-et-Marne (112), Vendée (79) |
| 15/10/2024 | Technique | Lot 2 - Deuxième vague | 1 190 communes dans 8 départements : Aube (142), Gard (117), Loire (197), Oise (303), Puy-de-Dôme (212), Haut-Rhin (115), Vaucluse (81), Hauts-de-Seine (11) |
| 01/04/2025 | Technique | Expérimentation Zone Très Dense (ZTD) | 2 communes : Vanves et Rennes centre (~33 000 locaux) |
| 31/01/2025 | Technique | Début Lot 1 (phase cuivre) | Fermeture technique pour les premières communes du plan cuivre |
| 31/01/2026 | Commerciale | FERMETURE COMMERCIALE NATIONALE | Arrêt définitif de toute commercialisation d’offres cuivre (RTC, ADSL, SDSL, VDSL) - TOUS opérateurs |
| 27/01/2026 | Technique | Lot 2 (phase cuivre) | 829 communes (~2,5M locaux) |
| 31/01/2027 | Technique | Lot 3 | 2 145 communes (~3,8M locaux - 15% du total) |
| 31/01/2028 | Technique | Lot 4 (sous-lot 4.1) | 6 849 communes (premier sous-lot) |
| 31/05/2028 | Technique | Lot 4 (sous-lot 4.2) | Suite Lot 4 (~8,2M locaux au total) |
| 31/10/2028 | Technique | Lot 4 (sous-lot 4.3) | Fin Lot 4 - 50% des locaux fermés |
| Nov. 2028 | Technique | Lot 5 | ~10,5M locaux supplémentaires |
| Nov. 2029 | Technique | Lot 6 | ~10,5M locaux - 75% du réseau cuivre fermé |
| Nov. 2030 | Technique | LOT 7 - EXTINCTION TOTALE | ~10,5M locaux - 100% du réseau cuivre éteint |
La fermeture technique par plaques géographiques
Chaque fermeture technique s’organise par “plaques géographiques” regroupant une ou plusieurs communes, parfois des arrondissements entiers en zone urbaine. Une fois la date d’arrêt atteinte, toutes les lignes RTC de la zone sont coupées simultanément, qu’elles soient utilisées ou non.
Ce mode opératoire répond à une contrainte industrielle car il serait techniquement impossible de maintenir le réseau cuivre actif de manière isolée à travers le territoire. Les fermetures doivent être coordonnées et progressives pour accompagner la migration de millions de lignes encore en service.
La fermeture d’une plaque entraîne un effet immédiat et irréversible. Sans solution alternative préparée en amont :
- Un téléphone analogique sur prise T devient silencieux
- Une liaison RNIS raccordée à un PABX cesse d’émettre
- Un modem RTC perd sa connexion avec sa plateforme distante
- Les interfaces d’ascenseurs reliant les automates aux centres de surveillance perdent leur capacité d’appel d’urgence

Les équipements concernés au-delà de la téléphonie classique
L’extinction du RTC ne concerne pas uniquement les postes téléphoniques. De nombreux équipements professionnels critiques dépendent encore du réseau cuivre :
- Équipements de sécurité : téléalarmes, systèmes de télésurveillance, lignes d’urgence d’ascenseurs
- Équipements métier : fax professionnels, terminaux de paiement bancaire, machines à affranchir
- Équipements industriels : automates industriels, systèmes de télémaintenance, solutions médicales connectées
- Équipements de contrôle : pointeuses, badgeuses, systèmes de remontée technique
Tous ces dispositifs fonctionnent via une ligne analogique dont la disparition entraîne une perte de service immédiate, potentiellement critique pour la continuité d’activité ou la conformité réglementaire (notamment pour les ascenseurs).
Cartographie des dépendances : un audit indispensable
La fermeture du RTC impose aux entreprises de réaliser un inventaire exhaustif de leurs dépendances au réseau cuivre. Beaucoup pensent avoir déjà migré vers la VoIP parce que leurs postes collaborateurs sont en IP. Or, une ligne analogique oubliée, parfois installée il y a plus de dix ans, peut encore piloter un équipement de sécurité ou un outil métier stratégique.
C’est souvent à l’approche immédiate d’une fermeture de plaque que ces dépendances critiques ressurgissent, laissant peu de temps pour organiser une migration sereine. L’audit préventif devient donc un impératif pour éviter toute rupture de service.
De la disparition du cuivre à l’adoption de la fibre
À mesure que les plaques ferment, le cuivre disparaît au profit des technologies fibre optique : FTTH professionnel ou liaisons dédiées FTTO. Dans certaines zones, l’arrêt du cuivre signifie également la fin de l’ADSL.
Les entreprises doivent donc s’assurer que leur accès Internet repose sur une infrastructure pérenne, capable de supporter des usages critiques dont la téléphonie IP. Le réseau IP qui remplace le cuivre doit transporter simultanément :
- La voix
- Les données métier
- Les outils collaboratifs
- Les applications cloud
- Les systèmes de visioconférence
L’extinction du RTC n’est pas un simple “arrêt de service” mais la conséquence d’une transformation nationale : le basculement d’une infrastructure construite autour de la commutation de circuits vers un modèle orienté paquets IP. Cette évolution impose aux entreprises une anticipation rigoureuse et une approche structurée de la migration.
De l’analogique à l’IP : deux chemins possibles pour changer d’architecture
Passer du RTC à l’IP ne consiste pas à remplacer une ligne téléphonique par une autre. C’est un changement d’architecture, qui peut toutefois s’opérer de manière progressive selon l’existant et les usages. Concrètement, deux trajectoires coexistent pour migrer vers la téléphonie IP : prolonger l’infrastructure en place à l’aide de passerelles, ou refondre la téléphonie autour d’un IPBX.
Prolonger l’existant avec des passerelles IP (IAD / ATA)
Dans de nombreuses entreprises, le système de téléphonie interne reste fonctionnel; PABX en place, plan de numérotation maîtrisé, usages stabilisés. Dans ce contexte, la fin du RTC n’impose pas nécessairement de remplacer le cœur du système.
La migration peut s’effectuer en remplaçant l’accès RTC ou RNIS par une passerelle IP, capable de convertir les appels analogiques ou numériques en flux SIP. Ces équipements, IAD ou adaptateurs ATA selon les cas, assurent l’interface entre le réseau IP et l’infrastructure existante.
Cette approche permet notamment :
- de conserver le PABX tout en supprimant la dépendance au cuivre,
- de limiter les investissements immédiats,
- d’assurer la continuité de services spécifiques comme le fax en IP ou certaines lignes techniques.
Cette solution répond efficacement à l’urgence liée à la fermeture du RTC. En revanche, elle s’inscrit dans une logique de transition puisqu’elle permet de passer le cap réglementaire, mais n’exploite pas pleinement les capacités offertes par une téléphonie nativement IP (mobilité avancée, intégration applicative, supervision étendue).
Repenser la téléphonie autour d’un IPBX (architecture full IP)
L’autre voie consiste à changer de logique, et pas seulement de liaison. Avec un IPBX, la téléphonie devient entièrement IP : signalisation, transport des appels et services reposent directement sur le réseau data de l’entreprise ou sur une plateforme cloud.
Dans cette architecture :
- les appels sortent via un trunk SIP,
- les postes peuvent être physiques, logiciels (softphones) ou mobiles,
- la téléphonie s’intègre nativement aux outils collaboratifs et aux applications métier.
L’IPBX ouvre la voie à des usages impossibles avec le RTC grâce une téléphonie fixe professionnelle. C’est une architecture pensée pour durer, en phase avec la disparition du cuivre et la généralisation des réseaux IP.
L’intégration au réseau data de l’entreprise
Quel que soit le chemin choisi, la voix rejoint le réseau data de l’entreprise. Elle n’est plus portée par un circuit réservé, mais par la même infrastructure que les autres services numériques. Cela impose de penser la cohérence d’ensemble : qualité des switches, segmentation LAN dédiée à la voix, supervision et priorisation des flux.
La qualité des appels devient alors directement liée à la santé du réseau. Latence, gigue ou saturation ne se traduisent plus par une “ligne qui grésille”, mais par une dégradation perceptible de la communication. La téléphonie IP exige donc un réseau conçu pour supporter des usages temps réel.
Cette intégration n’est pas une contrainte. Bien maîtrisée, elle permet au contraire de piloter la voix comme un service critique, avec des mécanismes de contrôle, de continuité et de supervision impossibles dans le monde analogique. Il est donc important de bien choisir son opérateur téléphonique.
Choisir la trajectoire adaptée à son entreprise
Entre passerelles IP et IPBX, il n’existe pas de réponse universelle. Certaines entreprises privilégient une transition progressive pour sécuriser l’existant ; d’autres profitent de la fin du RTC pour moderniser en profondeur leur architecture de communication et revoir leur standard téléphonique.
L’enjeu dépasse le simple remplacement d’une technologie. Il s’agit de définir une trajectoire cohérente avec les usages actuels, les besoins de mobilité et la capacité du réseau à supporter des services critiques. La fin du RTC agit comme un déclencheur, mais la valeur se crée dans la manière dont l’IP est intégrée au système d’information.